Feuillet 7 – au-revoir

Longtemps, j’ai pensé que le monde verrait sa fin dans une explosion de lumière dorée, comme un soir de fin d’été au-dessus des grandes plaines. Je croyais que le vert des arbres s’égayerait d’un dernier feu, tandis que les ombres s’allongeraient jusqu’à se résoudre dans la soudure d’un bleu-nuit inaltérable. J’espérais aussi que les voix retomberaient, que se suspendrait surpris le pleur des enfants comme les familles sortiraient unies au seuil de leur maison pour regarder déflagrer l’horizon ; apaisées désormais d’une acceptation – pleine et sereine – de la nécessité ; soulagées qu’enfin s’achève l’histoire.

Je me trompais. Davantage que sous l’écharpe d’iris qu’invoquait le poète pendu, le destin de ce qui règle l’ici-bas se consommera autrement – se consumera dans le froid des hivers de la Voluspa. Plus de rayons : le soleil se retirera le premier, et c’est amers que les hommes se précipiteront vers la chute. Je le sais désormais parce que, un acteur se soumet aux affres des répétitions avant la première, je vois mourir le soleil à chaque au-revoir.

Et toujours dans la gare des yeux où tous les yeux regardent, je serre les dents, fais bonne figure, comme si de rien n’était (car que feraient les hommes s’ils savaient ?), alors que subitement s’effondre l’intensité poétique de l’être, comme se retire la mer en emportant avec elle les oiseaux, les coquillages et le vent du large – ne laissant qu’un marais hostile et moribond ; alors aussi, je ne puis l’ignorer, qu’autre, et plus long, succèdera un nouvel âge glaciaire.

Et cette pensée m’est un pic de glace qui pénètre les poumons. Aussi, je veux apprendre par cœur Mélusine, pour fixant mes yeux sur la tache de sang qui noircit à mon flanc, pouvoir la nuit venue y retrouver son image – et sa grâce de ballerine qu’aurait un coquelicot dansant dans les ténèbres.

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Petit être

"je suis un être / entouré des forces magiques / de toutes choses / là où je marche / un phoque respire / un morse hurle / une perdrix des neiges jacasse / un lièvre se blottit / moi petit être / entouré des forces magiques / de toutes choses / un être minuscule / ne sachant rien faire / ridicule et bon à rien"

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