parce qu’on n’a su ressucrer les pommes ?
non sans doute
parce que c’est moderne
parce que c’est d’époque
on a décrété le silence radio
– en fait d’ondes,
parasites et distorsions
pour les paroles en l’air,
les promesses non tenues
les déclarations définitives
des engagements politiques
évaporées dans l’heure,
ou les vérités éphémères
de la dictature du ressenti
silence radio, qu’importe
mais vous souvient-il
quand nous inventions un langage
un babil de nouveau-né
des mots d’amour comme une insurrection
pour chanter le printemps, consoler les étoiles
silence radio, camisole de force
silence radio : des non-dits comme des épines
des épines comme des tumeurs
abondantes, violacées, muettes,
des épines de tropiques malades
des épines de silence radio
et parfois réfléchis dans les hauteurs
parviennent encore des signaux d’hier
des fantômes sonores à peine distincts du spectre
des bribes, des phrases éparses qu’on retranscrit
auxquelles on répond pour soi-même,
et malgré soi
comme on tourne une page
machinalement
mais ces voix se raréfient
ces mots en nombre limité
comme des pièces de musée
on en aura bientôt fait le tour
– tant mieux
il ne reste que peu de temps
avant la fin du jour
et tant de choses à faire
pourrait-on reprendre langue
il faudrait oublier les maux et les mots
ceux qu’on n’avait pas pardonné
refermer l’histoire
comme on referme une parenthèse
avant la communion
avant l’aposiopèse
ou peut-être autre-chose
le début d’un après,
l’aurore d’un lendemain,
sinon, vienne le crépuscule
ne resternt que la neige et la nuit
ragnarok
enfermé dans le mutisme
on passera la soirée
à écouter dans le radiotélescope
l’écho des sondes et le chant magnétique
l’inquiétant murmure des planètes
cétacés interstellaires
leurs plaintes comme une menace :
le savoir du temps qui passe
et dans chaque grain du temps
ton absence