falk’n fall

danse_avec_le_fantome

Un songe encore, la couleur d’un éclat de verre qui sur l’asphalte reflète le passage des nuages. Obsession : dans la récurrence du rêve, la récurrence des images – le film de Wenders et Handke, cette ville et ses anges invisibles. Et je suis Peter Falk – un nom prédestiné : comme un faucon, pierre chue du ciel ; tu es pierre et sur cette pierre ne se construira nulle église pour ce que ta rédemption sera dans l’immanence. Pierre je suis, et me voilà au pied du mur, au pied des écritures et si loin des théophanies ; et je m’adresse à l’ombre, sens sa silencieuse présence.

Mais entend-elle ? sous son heaume, cette armure où l’on se drape d’un blason d’hermine – le si bien ordonné, judicieux agencement du noir et du blanc, des concepts rangés pour les choses claires – un cours de philosophie : par milliers, des pages d’arguments pour justifier intuitions et préférences ; on croit écrire « liberté »… et l’encre d’une mauvaise foi laborieuse et géniale sert, en définitive, la dictature du ressenti. La philosophie, la fierté et le silence : les plates d’acier que l’on vend, après la chute, une bouchée de pain chez le ferrailleur. Quand on a renoncé à se protéger, quand l’on commence à connaître le goût de son sang.

Mais que pourrait entendre l’ombre et comment dire la couleur comme on la voit ? L’ombre ne sait sa beauté. C’est que noir ni blanc ne lui disent rien du jaillissement des paillettes, bleus de bengale, quand elle danse sur les trottoirs, dans la mouvance fraîche des feuillages, dans le reflet des rivières ; ni des étincelles au bout de ses doigts quand vient le soir et qu’elle s’allonge sur les pelouses dorées. Et comme pour cette déesse solaire réfugiée dans sa grotte et qui se voulait ombre parmi les ombres, j’aimerais faire de mes yeux un miroir pour que l’ombre se voie comme la savent et passionnément l’aiment les incarnés et les voyants ; pour que l’ombre sorte de l’ombre ; savoure l’être dans sa confusion, l’effort et la guerre jusqu’à la joie sauvage, et jusqu’à la blessure, l’impermanence de l’instant ;
dans les fissures du monde qui émerge, comme une rivière, les bleus d’hier qui se retirent,
et à la découverte des synthèses, qui sait, poursuive cette aventure technicolor.

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Petit être

"je suis un être / entouré des forces magiques / de toutes choses / là où je marche / un phoque respire / un morse hurle / une perdrix des neiges jacasse / un lièvre se blottit / moi petit être / entouré des forces magiques / de toutes choses / un être minuscule / ne sachant rien faire / ridicule et bon à rien"