s’écoule une nuit liquide
je rêve l’œil et la griffe d’un tigre d’encre
des shides déchirés
le vent a soufflé les goheis comme des bougies
ne vois-tu pas : plus d’enceinte, plus de profane
nous baignons et baisons au milieu des esprits
mais l’esprit que je cherche
n’est plus là pour le voir
et l’exil ainsi demeure
quand il n’y a plus de frontière
des ofudas et des tankas pendent sur les barbelés
comme, déchiquetés dans la brume,
les corps des soldats d’une guerre perdue
et le gel a figé la source
a figé les bulles
d’un givre
gris-bleu comme un livre
des ofudas sur les eaux,
comme une armée de pétales
sur le point de débarquer
fleurir la grève
funèbre
dire que sur l’un d’eux,
j’avais écrit son nom de kitsune
sauvageonne et vagabonde
– mon horizon d’été
je recommencerai
quand viendront les pluies de printemps
et mon pinceau cette fois
trouvera la ligne pure
l’efficace d’un chant
dans la courbe du ciel
– l’œil et la griffe d’un tigre d’encre