plus un mot
plus de baume
sur les lèvres de l’aurore,
cicatriciel
anne ma sœur anne,
je m’inquiète un peu
ceci est la plaie de l’aube
chaque naissance est arrachement
le cri de terreur du monde qui advient
et je pose mes mains
sur mes oreilles pour ne pas l’entendre
sur ma bouche pour ne pas crier avec lui
(un geste idiot car je suis
désormais sans voix)
peut-être est-ce raison de se taire
et faut-il garder le silence
un temps au moins
comme on porte un deuil
comme un chirurgien se recueille,
retient son souffle avant de recoudre
ce qui peut-être recousu
mais moi, je ne sais
ce qui peut-être recousu
de cet amas de chair à vif
pas plus que je ne sais
assurer le guet
assurer la garde
moi ? compagnons de la marjolaine,
laissez-moi partir
ne sentez-vous pas que la nuit va moindre ?
ne voyez-vous pas que le jour va poindre ?
je ne suis qu’un vagabond nocturne
un monte-en-l’air fatigué
qui cherchait sur les toits une étoile tombée
et ne l’a bien sûr jamais trouvée
qui voulait voir au loin la jonction des bleus
et n’a vu que les murs de vos maisons cossues
et la fumée de vos usines,
compagnons de la marge vaine
à ma charge ou décharge, je ne sais,
j’ai perdu l’horizon
je l’ai passé en pertes et profits
en haussant mes épaules amères
– oui mes épaules sont amères,
notez bien, compagnons de la mange-veines
si vous vouliez me dépecer
d’un bout de barbaque pour petit déjeuner
mais l’amertume ne me tuera pas plus que vous
peut être davantage mon désir,
un chien jaune maintenant, couleur de foie
un chien jaune à bile noire,
il aboie pour moi qui suis muet
vers l’orient éteint-nerf, vers l’orient éternel
où le soleil se reflète dans le fleuve jaune
je crois, moi, qu’il y flotte
et veux tenter de le prendre au filet
mais c’est une autre histoire
peut-être à venir,
un rêve pour oublier l’aube grise…
en attendant, à défaut de la muse,
la nuit prochaine, le soleil, et godot
anne ma sœur âme
je m’inquiète un peu
où est la guetteuse ?
et qui donc passe ici à l’aube ?
oh triste, triste dessus le quai