parfois on s’autorise
un regard aux photos des disparus
les belles de l’hôpital
les danseuses d’hanoï dans les jardins
blanches sous les lions de pierre
et les marcheurs
entre les roches noires du djebel
et le ciel, blanc, de fusible fondu
ces photomatons d’une fille du feu
abandonnés dans la toile d’araignée
sous l’homophonie chantant les enceintes
qui, l’enfermant, font chuchoter la ville
et parfois elle revient comme un souvenir
un fantôme d’avant le monde
sur la pointe des pieds
un éblouissement de printemps
de bain de soleil
où s’effacent les couleurs
tu n’as rien compris
parfois je me perds à rêver
sur ces noms de reine des terres médianes
j’en énumère, égrène les anagrammes
de numénor à numéror,
rune amor, run no more,
o lex, dura sed lex, dur silex
j’y rêvais tailler une feuille de laurier lumière
à la forme d’un coeur solutréen
je n’avais rien compris :
si lex ne bat ni palpite
silex et silence, urbi et orbi
tu n’as rien compris
parfois je regarde mes mots rester en suspens
raisins de pluie et flèches d’élée figés dans leur chute
ils ne changent pas plus que le temps
pas plus que la tendresse et pourtant
n’atteignent ni les choses ni le cœur
introuvables et changeants
parfois je plonge en eaux profondes
cherche, prospecte mes épaves intimes
dans le sillage argenté de silures
qui ne sont plus des poissons chats
leur sillage sigillaire
le chiffre d’une cicatrice aquatique
refermée sur ce vide
tu n’as rien compris
parfois le sable cogne à la croisée
le sable la poussière et la cendre
le temps qui tue, sa mitraille glacée
le vent dérisoire des émotions,
de leur incandescence
tu n’as rien compris
il souffle et soufflera encore
même après