
dans cette gare, ce bar-ruine, qu’en sais-je
les gens passent, trépassent, on s’en fout
même les sources vieillissent
leur couleurs, leur pourpre, leurs encres propres
comme ce vieux juke-box
qui luit encore un peu dans le coin
le plus obscur, le plus reculé
personne ne sait trop qui l’y a rangé
les barmens ? demande-leur, ils s’en fichent bien
certains disent que la vieillerie s’est remisée toute seule
jadis c’est sûr, près des chauffages au gaz et sous les lampes
la machine voulait
faire son effet, faire danser les audreys et rocker les cœurs
et de la chaleur humaine, jadis, c’était jadis
avant le recoin obscur
où, bizarrement, certains viennent encore
on ne sait trop pourquoi, eux non plus,
tout petit échantillon d’humanité,
ils viennent et reviennent,
comme s’ils avaient dans cette pénombre
pris leurs marques, ouvert un livre
– et [ ] en es, elle [ ] voit, devine,
[ ] viens, veux sans pièce ni jetons
que les chansons continuent de sourdre –
n’ont-ils pas remarqué
la prise débranchée de la machine,
sa lumière funèbre, folle,
que le juke box s’est fait blue box & mixer
junk box & mystère
comme la cacophonie qui en sort
ne veut plus rien dire
disques rayés, grammaire mutilée
de ces mots qui manquent
une langue morte,
car son coeur est vide
un vide dont il connait la silhouette
c’est la [ ]
l’humanité ne manque pas ; [ ], si