Le danger n’est jamais là où on l’attend. J’ai encore, dans mes cahiers, les notes que je pris après avoir réalisé pour l’aéropostale la première traversée de forêt noire jamais tentée.
Je me souviens que ce que nous redoutions tous, c’était la crème. Les couches de cette crème légèrement mousseuse, qui colle à toute fourchette, nous semblaient bien capables de bloquer l’hélice et de faire caler le moteur.
Il y avait de quoi être inquiet. Cela devait faire quelques instants que j’avais décollé depuis la piste en chocolat, et ma souris qui me suivait dans sa lunette avait dû me perdre de vue depuis deux minutes à peine quand, bien calé dans mon fauteuil, les mains crispées sur le manche, je m’enfonçais avec appréhension dans un nuage de crème épaisse. Ce fut le premier d’une longue série de chocs. Diable ! Quelle violence ! Et à chaque fois, les sacs de courriers et colis tressautaient dans la soute, ajoutant à mes embardées… mais, contre toute attente, le moteur tint bon.
Le pépin, si j’ose, ce fut cette cerise, pourtant si imbibée de kirsch que personne, jamais, n’aurait pensé qu’elle offrirait une pareille résistance. Il faut dire qu’un noyau y avait été oublié – et il arriva ce qui devait arriver : l’hélice grignota la griotte sans coup férir, et éclata le noyau dont l’amande vint percuter l’un des volets d’aérofrein. C’était une catastrophe car à l’époque, je le rappelle, les pistes étaient très courtes dans ce gâteau. Il n’y eut rien à faire : j’eus beau actionner la manette dans tous les sens, impossible de sortir les aérofreins, et je dus atterrir comme on s’écrase, en laissant dans la piste de cacao pulvérulente une énorme saignée.
… Je n’eus la vie sauve qu’en raison d’un brouillard de crème particulièrement bas qui me retint d’aller m’éclater dans les hangars de l’aérodrome. La crème finalement s’était avérée un allié précieux, et tous les pilotes ensuite l’utilisèrent comme telle lorsque la correspondance meringue-chocolat devint régulière.
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NB : normalement, je ne suis pas joueur… du tout. Je suis capable de mordre quelqu’un qui sort un Monopoly et de jeter mon verre à la tête de qui propose un tarot. De même, à part les cadavres exquis sous leurs différentes formes, que je ne considère d’ailleurs pas comme un jeu, la majorité des « jeux littéraires » m’ennuient, ne me disent rien, ne m’inspirent pas. C’est vrai aussi, très généralement des mosaïques lexicales, bien qu’il y ait pu y avoir des exceptions en raison de la poésie intrinsèque des joueurs et/ou mots proposés.
Et puis parfois, il y a les choses qui s’imposent d’elles-mêmes. Là, ce n’est pas de ma faute, c’est celle d’Oulimots, et de Twitter qui m’a collé sous le nez sa liste de mots contraints ; et cette dernière, à peine lue, m’a fait écrire d’un jet l’ânerie qui précède. Désolé.
Morale de l’histoire, je suis un chien de Pavlov chtulhoïde ; dites-moi « chocolat et cerise » et, du fond de ma cité engloutie, je salive en rêvant d’un certain gâteau .