
la COULEUR
des taches de couleur
dans les pavés l’image
voudrais tu poser tout au bout de ma langue comme le bonbon d’un mot nouveau, la fraîcheur suave d’une glace à l’italienne, couleur pastelle, un premier jour de vacances
et que nous soyons la ville, si claire et vive dans le soleil qu’on la devine à peine dans une blancheur de papier glacé, la photo sur-exposée d’une page de magazine
la COULEUR
des tâches de couleur
sur les pavés, la place
la place et le musée, la place qui regarde le ciel, son frisson pastel, et frisonne sous le talon claquant des passantes à la plastique parfaite, leurs pénombres de fleurs, d’ikebana, de coquilles saint-jacques, compostelle, de fleurs et leurs tâches de couleur, photos sur-exposées d’une page de magazine
mais murmurent les fontaines à l’oreille de la place où s’érige l’obélisque, un obélisque pour la belle odalisque,
il y a mieux au louvre
la COULEUR
des tâches de couleur
sur les pavés, l’espace
le jaillissement de l’inattendu, une autre fleur qui s’ouvre en atoll de guadeloupe, de floride toride dans la pénombre d’une rue que l’on croyait connue,
et la place qui regardait le ciel ferme les yeux et frissonne plus encore, tandis que des doigts de rose et de mer caressent la rosée sur la pierre de rosette,
tandis qu’une langue traduit, comme on convoque, les hiéroglyphes du livre des vivants,
les hiéroglyphes sacrés du livre de la chair,
il y a mieux au l’ouvre
la COULEUR
des tâches de couleur
sous les pavés, la trace
et toute la place chavire, et ne regarde plus le ciel mais frémit et sourit aux mystères
de la pyramide et de la cour carrée, à ce qui luit dans la pénombre des salles
il y a mieux au l’ouvre, la belle odalisque,
son hale doré, ses yeux de cannelle, chocolat aux écorces d’orages, une peau de champagne caramelle
ses orteils de reine d’égypte, aux ongles vernis de cinabre, de turquoise et de poussière de nacre,
et ses doigts agiles à tresser les nerfs et tenir le pinceau de lumière pour écrire sous chaque pavé de la place son nom, celui des étoiles à naître, celui des positions d’un kama-sutra mystique, et la numérologie des salles,
dessiner le plan du musée, l’entrée du labyrinthe, la topographie sacrée du corps
son corps de magicienne
la COULEUR
des tâches de couleur
sous les pavés, la plage
et moi qui ne suis pas roi mais momie parmi les ombres pastelles, je veux explorer, parcourir les salles, rassembler les membres d’isis, réécrire le mystère, la louange d’isis odalisque épiphane,
j’ai vu les pavés choéphores se disperser dansant, se changer en sable, en mouchoirs colorés, en cerfs-volants, en papillons, et se perdre dans les vagues, taches de couleur plus sur-exposées que la photo d’une page de magazine,
et l’ibis transcrire ce que disent d’isis le ressac du désir et la caresse du vent :
voici ta peau, voici tes yeux, et voici encore les oiseaux de mer qui chantent ta peau et chantent tes yeux, mon l’ouvre, ma louve, non,
il n’y a pas mieux au louvre
la COULEUR ?
l’attache des couleurs…
sous les pavés, la page
– et regarde ! le sablier
mais ce qu’il y a dans les salles, les mots pour le dire, viendront, je ne sais,
ne viendront pas, sans écho que le fêle usuel des muses dans un ciel sans nuages, blanc, si blanc, comme une page
ce blanc de titane que l’on a pris, que l’on a appris des ombres – c’est pour cela qu’on a des cuirasses, c’est pour quoi sont faits les remparts -, ce blanc à ne rien attendre, et se devinent depuis les remparts la pluie de couleur qui ne viendra pas, la soif des roses de jéricho,
les roses d’un noël, inécloses comme les morphèmes inadvenus
le noème d’un noème, son nomos, l’effacement
quand ce qui se donne n’est que mots substitués
quand s’éloignent, ou se consument, – que l’on envoie les feux grégeois -, les trésors du l’ouvre
place faite, place nette, et morte-née l’explication de texte,
regarde le ciel, regarde la pluie grise
la COULEUR
les traces de la couleur
sur les pavés qui s’effacent