kaiser melange

comme venue de l’autre côté du miroir
de l’autre côté du vent
une voix qui pourrait être la tienne
répète qu’il ne faut pas tout mélanger
mais mon âme demeure un cocktail
aux couleurs flammées de moire et d’iris,
la robe d’un combattant du siam,
solitaire et nocturne

si je vois la nonchalance de ces éléphants funambules ?
leurs jambes de jazzmen et leurs trompes saxo,
qui traversent la nuit sur leurs cordes emperlées de rosée
rosée,
si hauts sur la cité, au-dessus des serres et des verrières ?

l’œil qu’un être ailé a enchâssé dans les tendons au dos de ma main les voit

il

connaît leur cornac au regard mordoré de châtaigne et noisette,
leur cornac qui dit qu’il ne faut pas tout mélanger

croit qu’ils fuient la cavalcade des rongeurs derrière le joueur de flûte,
ce qui grouille tout en bas, dans les jardins, le sol et les murs,
sur les traverses des chemins de fer désaffectés,
se penche en bruissant sur les urnes
où sommeillent les cendres d’amours défuntes
(- mais les cendres sommeilleront encore quand les rats seront morts
jusqu’à ce que la pluie lustrale aemporte tout, les urnes, les cendres et les os)

et l’œil qu’un être ailé a enchâssé dans les tendons au dos de ma main

dit

que les éléphants sur leur cordes
s’en vont chercher le soleil

qu’ils s’en reviendront à l’aube
d’un point de l’horizon,
comme des masses violettes,
soulevant la poussière, 
et que l’on verra, sous leur pas,
crouler au loin les dunes, les mots et les concepts,

qu’ils entreront, par la porte du levant,
sur le fleuve halant le soleil et ses reflets,
menés par un vieux chef aux défenses immenses
dans un concert de barrissements

et tu ne sais pas, n’est-ce pas,
comme ces barrissements
résonnent dans mon être,
ses corridors inondés de mazout, café, kalhua,
comme ils y répandent leur or liquide

oh bien sûr, il y aura

des matins d’hiver
des soleils en jaune d’œuf laiteux,
triple sec et larme d’absenthe,
des matins de chasse vaine

et des jours de tristesse quand se verrouille l’urne
sur les dormeuses de jeanclos
et des soirs de silence,
de danseurs et d’enfants assassinés

mais je garde ma confusion,
ma confusion souveraine,
mon mélange d’orange,
d’un café miellé d’un soleil porté par les éléphants
et mon âme délurée, demeurée, de meurt
un cocktail aux  couleurs flammées de moire et d’iris
– la robe d’un combattant du siam,
solitaire et nocturne -,
comme, venue de l’autre côté du miroir,
de l’autre côté du vent,
une voix qui pourrait être la tienne
répète qu’il ne faut pas tout mélanger

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avec mes respectueuses excuses à charles-marie leconte de lisle, qui n’aurait aucune raison de vouloir de ceci en hommage ni de me pardonner les emprunts faits à ses éléphants…
c’est pourtant un hommage ; les éléphants sont un des premiers poèmes que j’ai appris et aimé, et je ne l’ai jamais oublié ; ces animaux soulèvent chez moi des associations d’idées idiosyncrasiques. son poème en fait partie

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Petit être

"je suis un être / entouré des forces magiques / de toutes choses / là où je marche / un phoque respire / un morse hurle / une perdrix des neiges jacasse / un lièvre se blottit / moi petit être / entouré des forces magiques / de toutes choses / un être minuscule / ne sachant rien faire / ridicule et bon à rien"