aile 34, mon amour
les anges passent si vite
trop vite pour les mots
mais moi qui ne savais plus parler
il faut bien que je bafouille lentement,
que j’ânonne mon chagrin à la pluie
maintenant qu’il n’y a plus un chat
et que pleure ma bien-aimée
maintenant que me manquent vingt ans
– aile 34, cela file comme un mirage
mur du son ? – coup de foudre
ces gouttes vert d’or terrifiées
dans le brouhaha d’un hall
à montmartre des semaines durant,
je déposais mes offrandes au pied d’un monolithe froid
puis je me souviens du vol
le long apprivoisement d’une présence amie
que je ne pouvais étreindre ni porter,
faire pardonner les hommes
d’un sourire les yeux fermés,
un front sous mon menton,
un front contre mon front, parfois,
et comme un crin farouche s’est fait câlin d’astrakan,
tapis volant
aile 34
un nuage blanc qui a passé,
une fourrure de tsarine,
le tourbillon paisible d’une mousse de lait,
et laissé la dévastation du vide,
notre solitude terrestre
enfuie la magie des transmutations,
où, les danses de la chasseresse dans un tourbillon d’automne,
quand mes papiers bruissants s’ensorcelaient berceau d’un ange ?
où, ces demandes à peine,
cris muets de douceur vivante,
ces attentes hiératiques d’une déesse d’égypte ?
où, l’odeur du café,
mon amour qui chantait jolie jolie
en cueillant de l’index une pépite de beurre fondu ?
le siège est vide au coin du feu
et nul ne veille plus à la fenêtre
il n’y a plus que les souvenirs qui lacèrent les entrailles,
ce café froid et le monde infect des hommes,
flou derrière mes larmes
– pardon, ce n’est rien, cela va passer
c’est juste qu’il me manque vingt ans et des poussières d’amour,
mon amour