lueurs

ce pourrait être la musique d’une chasse
entre les réservoirs, les hautes cheminées
les torchères haletantes dans le ciel d’orage,

dans une mare, dans une flaque
qu’on croirait de gaz oil sombre et d’argent
les cerfs se mirent ; leurs yeux flamboient

comme des catadioptres,
un ruban de chantier déchiré qui claque au vent,
des bornes de travaux

déception ?

cela viendra soudain
comme une attaque de loup
voici les jours où nous ne voudrons plus

les jours où nous voudrons plus –
restaurer le sanctuaire,
rétablir le culte, ranimer la flamme
et protéger l’enceinte

et voudront plus
les filles aux joues pâles
lèvres rouges et lunettes noires
et leurs guitares de colères
basses comme des souterrains

et voudront plus
les pianistes hâves
sur leurs pianos mélancoliques
les peintres au désespoir
les artistes fatigués d’écrire

inventeront de nouveaux sons
des couleurs jamais vues
iront au-delà, franchiront les murs
avec un appétit d’oiseau migrateur
la passion des défricheurs

et puis viendront
les hypocalypses pulvérulentes
d’ocre et cobalt
des cavalières anodines
et des divas guerrières

bien en deçà peut-être
de ce que l’on espérait

elle aimait

elle aimait

marcher au soleil et jusqu’au seuil

les veines ouvertes et le cœur libéré,
– au soleil invaincu de ses champs d’oraisons
les doigts écartés pour sentir la lumière, l’eau, le vent
les doigts écartés pour sentir le temps ;

d’un souffle, retenir l’âme,
et cueillir une à une
goutte de soleil par goutte de soleil
où dansent les fleurs ;

et la marche des armées
au services de ses noires poupées

horrigamie

couché sur des cartons entre les poubelles
ce qui pousse sur le bois humide
un hikikomori
plie et replie
le destin

– épouser le chiffon froid
l’arracher des serres du croque-morts
et de ta griffe, moïra

lire, relire l’avenir
dans les yeux d’un poisson desséché
comme on décachette une boîte de nuit
comme on décapsule une bière
memento mori

au-delà des poubelles
passent les hommes des sables
et les rennes de phosphore.

défenestration

I.
Sur la pierre dure,
je m’écraserai après une
chute trop longue
dans l’abîme giboyeux.

II.
sur la pierre dure et froide
où s’écrase mon corps
où s’allonge mon corps
qui recouvre mon corps
roide,

III.
Là peut-être,
s’abreuvent à la source joyeuse,
fleurissent les pavots d’éveil
s’ouvre l’immémorial