Mélusine… Le sait-elle ? même aux siècles, et il y en eut tant de ces siècles longs comme des millénaires, où nos chemins ne se croisaient, où tout m’empêchait de l’étreindre – la distance, le monde, ses souhaits mêmes et le fait que j’étais alors assez sage ou assez fou d’elle pour la préférer heureuse loin de moi plutôt que malheureuse à mes côtés -, toujours pourtant les nécessités tortueuses du destin me remettaient sur sa trace.
Il me souvient en particulier de ces dessins dont Pic de la Mirandole – nous entretenions alors une amitié épistolaire – me signala incidemment l’existence au détour d’une missive. En vérité, mon interlocuteur ne fit mention que du désaccord qui divisait alors les hermétistes quant au titre du premier de ces dessins, qui figurait en illustration d’un opuscule étrange, publié en très peu d’exemplaires chez Elzévir avant d’être mis à l’index dans toutes les nations, anonyme mais que certains attribuent à Pomponazzi, et intitulé De l’être folie. D’aucuns laissent accroire que ces poèmes sagaces et profanes jusqu’au blasphème auraient inspiré Érasme de Rotterdam. Toujours est-il, me disait Jean à propos de ce dessin que les uns défendaient (j’épargne ici au lecteur les périphrases d’alambics latins alors en vogue) « la bascule de l’horizon », les autres plaidant pour « le renversement du monde », et d’autres encore pour « le miroir des montagnes célestes » – tandis que le Comte de la Concorde, s’appuyant sur la tradition enthéo-pythagoricienne l’entendait nommer « lune de ciel et terre ».