mouture de roches et de conches
le sable file entre les doigts
qui ne le savent retenir
et pourtant que j’aimerais les garder
ces grains de mica, chauds et scintillants
mais le vent en a déjà tant emportés
que je peux maintenant compter ceux qui restent
petits soleils au creux de ma paume
et comme je les perdais, j’ai percé des mystères
Catégorie : les cahiers d’icare
Les cahiers d’Icare, contrairement à ce qu’un titre malvenu pourrait laisser penser, ne sont pas un pendant des cahiers de Mélusine, mais davantage une plongée dans un labyrinthe personnel ; une histoire de plumes.
A l’occasion, si je trouve mieux, je changerai le titre.
Je ne saurais dire si ce recueil, pour l’essentiel écrit en 2018-2019, est achevé.
chroma bleed
nuit bruissante du bruit blanc de la pluie
pluie d’hiver sur l’asphalte,
avant la cendre comme une neige
et le sacrifice des couleurs dans l’acide
au printemps d’après,
A H T
aeroportulan
les arbres le cèdent à la mer
verre de porto, rêve aéroportuaire :
silencio
le silence de l’oracle
dans la cité des sables…
– non, non, il faut que j’explique
encore une de leurs erreurs
croire le dédale inhabité, si ce n’est du taureau, de l’architecte et d’icare
mais non, non, pour être cruel, il y fallait une ville,
une pute de négoce à la mode de babylone,
un cadavre grouillant de marchands en cohortes
qui tirent profit d’une croisade folle
– un mensonge lucratif, un marché aux esclaves qui rapporte gros
trop occupés pour se savoir prisonniers, s’imaginer bourreaux,
à rire de leurs vins dans leurs tenues chatoyantes et leurs chars rutilants
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ver sacrum
ver sacrum
si souvent je sais, ariane perdue,
que mes mots t’échappent
mais où en es tu, que veux tu
ariadne, sphynx et labyrinthe :
si souvent je me perds
en suivant ton fil
(soie arachne, arrache-soi,
la solidité vient de la chute
icare en sait quelque chose)
ce matin-là, défilait la ville
en route vers les airs
en route vers l’hiver
je regardais la grâce de ton cou,
ton visage appliqué
(que j’aime ta beauté classique
– fille du feu, chimère,
parmi les arbres en rinceaux et sur les rivières,
je t’ai vue orner les couvertures des éditions de nerval
avec lui j’ai nagé dans ta grotte
avant que tu ne reçoives le baiser de l’ornemaniste
il ne m’en fallait pas plus
pour m’enamourer d’ariane
m’aurianer de toi
j’ai reconnu ta peau de lait, galatée,
tes yeux, salambô et ton corps de danseuse exotique,
si je savais peindre, que j’aimerais te peindre)
ka grammatical
de charybde à scylla, du chagrin à l’effort
parfois on enregistre aussi au gré des grammaires
cette peine de la penne à écrire sa peine ne serait-ce qu’à peine
vulgarité des stratagèmes, j’accuse l’accusatif
les écritures sur commande
ces composts où ne compose que l’ivraie
la plume mercenaire de l’écrivain public
les écritures comptables, les conclusions d’avocat
hideur administrative et putasserie bancaire
on n’en peut plus
et de la génétique pas davantage
le paravent des conventions
du gène à la gêne, les syntagmes sont
morts comme tout ce qui fige
on les surgèle a défaut de les faisander, la belle affaire
c’est que le nez bourgeois n’aime pas les odeurs
et « condoléances », tu parles,
le rire du singe cache sa pudeur pour le vide
ablation, destination : quelque chose manque à l’appel
on dit « essai » faute de la réussite
qui n’est qu’un plaisir solitaire
plumes, cartes ou main, la geste demeure
on, et montaigne avec, s’exhibe avec ce cri de faiblesse :
cette idée que l’errance mène bien quelque part
en voulant croire que le monde sera moins fragmentaire vu de là-bas
mais là-bas, que voulez-vous, reste ici-bas, bien bas
comme ils vous saluent, marie, pleine de grâce
à l’heure de notre mort,
à l’heur de notre ennui – amen
i.p.a
j’aimerais tant
te voir
luire au soleil
te boire
mon ipa
à nulle
autre pareille
Lapis [philosophorum] lazuli
je me souviens de la rencontre
et des questions
il y avait ce trait à peine perceptible
qui divisait le bleu
« ils appellent cela l’horizon
mais en ce cas
ne devrait-il pas être horizontal ?
et quoi distille dans un pelican ? »
icare, j’ose iris
on se démembre en touchant l’amer
je suis le sel dans la salière
qui se renverse
l’eau qui se vaporise
un nuage de gouttes distantes
entre lesquelles parfois passe
une pensée comme un frisson :
nouer mes mots en un attrape rêve
assez serré pour que tu t’y laisses prendre
si je pouvais me glisser en toi
être la salive dans ta bouche Continuer la lecture de Lapis [philosophorum] lazuli
insolation
…ils affirment que je serais tombé
comme une goutte de plomb fondu
la goutte d’un cachet de la cire dérobée aux abeilles
pour avoir voulu, imbécile, toucher au soleil
mais mon soleil est ailleurs et glacé
et si j’ai passé par la terre, par les airs, par le feu et par l’eau
ma seule chute fut celle de tes reins
et je suis celui qui pour avoir pénétré ton regard
s’est abîmé dans l’azure icarienne
s’est abîmé dans le bleu
étrange comme
de ce côté ci de l’impossible
le temps ne compte pas
les occasions manquées,
la chute (celle d’Alice – une stase, un vol)
les impasses dans le dédale
au fond de chacune, sourit ce masque façonné dans le mur,
le visage de l’horizon
les impasses, cela importe si peu
on hausse les épaules
et prend un autre chemin
vers le même orient