du bleu au gris

Si les aubes pluvieuses d’hiver laissaient une tache sur le monde,
il faudrait, des doigts gourds dont la pâleur a rongé l’engelure,
l’étaler – et prolonger la vie d’un souffle bleui
plus chaud pourtant que le cœur d’un nouveau né,
comme pour s’aventurer d’un pas de plus sur la passerelle vide
et surseoir à la forme comme le gris l’estompe ;
et savoir aussi : l’ange est un chien déchu qui s’évanouit
comme un drap dans l’eau bleu-grise
comme un mouchoir dans le vent.

art poétique

« ce que dit la bouche d’ombre » :
son rouge à lèvres a coulé

la bouche d’un métro
vomit une armée de spectres,
des secrétaires de bureau
minijupes au regard vitreux

un cinéma dans les orbites
on projette des images
dans le cratère désaffecté
d’une planète morte

est-ce à présent
tout ce que permet
l’art poétique
– un désastre

horrigamie

couché sur des cartons entre les poubelles
ce qui pousse sur le bois humide
un hikikomori
plie et replie
le destin

– épouser le chiffon froid
l’arracher des serres du croque-morts
et de ta griffe, moïra

lire, relire l’avenir
dans les yeux d’un poisson desséché
comme on décachette une boîte de nuit
comme on décapsule une bière
memento mori

au-delà des poubelles
passent les hommes des sables
et les rennes de phosphore.